Afin d’accroître l’efficacité des gardes-chasse et des gardes-pêche, le Surintendant des pêcheries et de la chasse du Département des terres de la couronne du Québec, L. Z. Joncas, met en place une réforme en 1897. Trente ans après la nomination des premiers gardes-chasse, celle-ci précise les obligations et les devoirs de ceux qui veillent à la protection des ressources fauniques. Suite à cette réforme, notons que tous les officiers du Département possèdent dorénavant autant le statut de garde-pêche que de garde-chasse.
Le 15 mai 1897, un mémoire expliquant la nature de cette réorganisation est publié. Le voici dans son intégralité :
Organisation du Service des Gardes-chasse et Gardes-pêche
DÉPARTEMENT DES TERRES DE LA COURONNE
QUÉBEC
Attribution des Gardes-chasse et des Gardes-pêche
1.
La province de Québec sera divisée en huit districts de surveillance de chasse et de pêche, savoir :
Ottawa
Témiscamingue (Back Country)
Gatineau
Trois-Rivières
Gaspé
Témiscouata
Canton de l’Est
2.
À la surveillance de chacun de ces districts sera préposé un garde principal nommé par le Commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries, et de plus, tous les officiers du Département des Terres, Forêts et Pêcheries seront ex officio gardes-chasse et gardes-pêche.
3.
Le traitement de ces gardes sera déterminé par le gouvernement; il se composera d’un traitement fixe et d’un droit fixe à déterminer sur le produit de la vente de chaque saisie de gibier et de poisson. Le garde n’aura droit à aucune prime sur les objets saisis dont la vente ne pourra s’effectuer.
4.
Il sera procédé à une modification des lois de chasse et de pêche propre à donner plus d’autorité aux gardes de district.
5.
Pour les fins de chasse et de pêche, les gardes-chasse ou les gardes-pêche seront considérés comme étant placés sous la tutelle légale du Département des terres, Forêts et Pêcheries, qui seul, sera civilement responsable de leurs actes et qui, pour cette cause, pourra exiger un cautionnement de chacun des gardes de districts.
6.
Sur l’autorisation du Commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries et dans certaines circonstances prévues par la loi, les gardes de district pourront s’adjoindre des auxiliaires, dont l’action sera limitée par le département, ainsi que le salaire.
Obligations des Gardes
1.
Les gardes préposés à la surveillance d’un district devront s’opposer à toute chasse et à toute pêche sur l’étendue intégrale de leur district, en temps prohibé.
2.
Ils ne devront autoriser la chasse et la pêche, en temps d’ouverture, qu’après s’être assurés que les chasseurs ou les pêcheurs admis sur leur district ont satisfait aux exigences de la loi.
3.
Ils devront veiller à ce que le nombre des grands fauves dont la mise à mort est autorisée par la loi, ne soit en aucun cas dépassé.
4.
Il sera de leur devoir de s’opposer, par tous les moyens légaux mis à leur disposition, aux infractions de la loi de chasse et de pêche, que ces infractions soient tentées par des blancs ou par des aborigènes.
5.
Ils devront s’assurer du lieu d’origine des chasseurs ou des pêcheurs admis sur leur district et percevoir, en conséquence, les droits de permis de chasse et de permis de pêche.
6.
Il leur sera enjoint de parcourir l’étendue de leur district au moins quatre fois par an, à des époques déterminées par l’inspecteur général de chasse et de pêche du département. Ils devront, dans ces explorations, soigneusement noter les cours d’eau et les lacs; la nature et la quantité du poisson; les frayères. Ils devront également soigneusement noter la nature et la quantité du gibier de tous genres que contient le district. À chaque visite, ils seront tenus de faire au bureau de l’inspecteur général un rapport circonstancié de leur exploration. Ils devront, autant que possible, accompagner ce rapport de croquis, de cartes et même de photographies des lieux explorés.
7.
Ils exerceront, en temps prohibé, la surveillance la plus assidue sur les voies de transport qui traverseront ou desserviront leur district, et, en cas de saisie, faire un rapport immédiat au bureau de l’inspecteur général.
8.
Il leur sera fourni, par le département, un livre à souche de permis de chasse et de pêche où ils inscriront, et sur le permis délivré et sur la souche, la date et le prix du permis qu’ils auront donné.
9.
Ils seront tenus d’envoyer, dans les plus bref délai, les sommes ainsi perçues au trésorier du département, et il leur sera enjoint de soumettre leur livre à souche à l’inspecteur général du département ou à son délégué, à toute réquisition.
10.
Ils seront responsables des sommes perdues par eux et provenant des permis de chasse et de pêche.
11.
Ils seront tenus de faire un rapport sur les conditions climatériques de leur district, dans leur relation avec le gibier et le poisson; de noter les époques de parturition et de mise bas des fauves et de la pelleterie; d'indiquer les saisons d'arrivée, de ponte, de couvaison et de départ des oiseaux gibiers, d’établir de leur mieux les époques du frai, d’éclosion et de migration des poissons.
12.
A moins d’une permission spéciale, les gardes seront obligés de résider dans leur district.L. Z. Joncas
Comment enrayer le braconnage?
Malgré la réforme de 1897, les officiers du Département des terres de la couronne du Québec ne réussissent pas à lutter efficacement contre le braconnage. À ce sujet, L. Z. Joncas interpelle en 1899 le gouvernement : selon-lui, l’enrayement du braconnage passe obligatoirement par « l’éducation du peuple ». Il propose ainsi que journalistes, hommes politiques et curés s’unissent afin de faire comprendre à leurs concitoyens qu’il est dans leur intérêt de respecter les lois de chasse et de pêche.
Le Surintendant des pêcheries et de la chasse identifie aussi trois lacunes qui contribueraient à l’inefficacité de la lutte au braconnage :
La grande superficie de chaque district nécessite beaucoup plus de moyens afin d’en protéger la faune de façon adéquate.
Les 112 officiers du département ne gagnent que 25 à 50$ par année. Des gardes aussi mal rétribués seraient moins motivés et, par conséquent, inefficaces.
Pendant la saison, la loi permet à tout résident de tuer ou de prendre deux orignaux, deux caribous et trois cerfs, mais quelques uns en abattent un bien plus grand nombre et en font même un commerce. Les officiers ne disposent d’aucun moyen afin de contrôler la quantité de gibier abattu.
À la lumière de ces lacunes, L. Z. Joncas propose l’adoption de quatre moyens qui sont, selon lui, susceptibles de diminuer le braconnage :
La plupart de ces recommandations seront appliquées dans les années suivantes et façonneront pour plusieurs années le fonctionnement et l’organisation du corps d’officiers responsable de la protection de la faune.